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maison de sa mère, entend derrière elle les loups qui arrivent au galop. Elle tourne la tête : ils viennent comme le vent, tout à l’heure ils l’attraperont. Alors elle se souvient des paroles de la fée, elle prend l’œuf et le jette derrière son dos. L’œuf se casse et devient une mer : les loups sont sur l’autre rivage. Que vont-ils faire ? Un loup s’écrie : « Il faut que nous buvions toute cette eau-là, puis nous la rejoindrons, nous la tuerons, nous la mangerons ! » Tous se mettent à boire, à boire, tant et tant que voilà la mer à sec et ils passent. Mais voyez la malice de la fée, c’était un œuf gâté et voilà cette eau qui se met à gargouiller dans le ventre des loups ; ils ont la colique et sont forcés de s’arrêter à chaque instant. Mais rien n’y fait, ils se frottent le ventre et reprennent leur galop.

La femme les entend arriver de nouveau. Mais au moment où ils vont la saisir, elle prend le balai et le jette derrière son dos. Le balai tombe, c’était un balai de fataque, toute la fataque s’éparpille et se change en forêt. Mais ce n’est pas une forêt de fataque, c’est une forêt de grands arbres, bois de natte, bois d’ébène, bois d’olive, bois puant, bois de fer, tacamaca, benjoin, colophane ; et les arbres sont serrés et rapprochés comme les tiges de fataque dans la plaine. Les loups rencontrent la forêt, que vont-ils faire ? Un loup