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poils ; ils avaient ôté leurs plaques d’or par derrière, et tous avaient la queue dressée comme la queue d’un chat qui se frotte contre le pied d’une table. C’était une bande de loups ! La malheureuse femme est obligée de s’appuyer contre la porte pour ne pas tomber. Mais elle se force au courage, elle regarde, elle écoute. Voilà qu’un loup commence à chanter : « Mangeons ta femme ! mangeons ta femme ! » Le mari qui est au milieu de la ronde saute et chante : « Pas encore ! pas encore ! laissez-la engraisser ! laissez-la engraisser ! » La femme a trop grand peur, le cœur lui faut. Elle se remet au lit et réfléchit. Et elle entendait toujours la voix de son mari qui chantait : « Laissez-la engraisser ! laissez-la engraisser ! » Elle tâtait ses jambes, elle tâtait ses bras et avait honte qu’on osât dire que son corps était maigre.

Le lendemain matin la souris ne vint pas, et la pauvre femme ne savait quoi faire. À l’heure du déjeuner, son mari l’appela ; elle ne voulut pas aller manger de peur de devenir grasse et elle lui dit qu’elle était malade, qu’elle avait la migraine. Le mari gronda ; mais il la laissa faire et se rendit à la salle à manger d’où il lui envoya un régime de bananes afin qu’elle eût à manger quand son mal de tête serait passé. Seule dans sa chambre, la femme pleurait, se lamentait : « Hélas, ma mère !