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ce défaut de suite de bon ordre de nos « zistoires ». Les incidents se succèdent sans se lier, l’effet pas un instant ne songe à se réclamer de sa cause. Le conte s’en va, butte au moindre hoquet qu’il trouve, tombe, se relève vaille que vaille, repart en clopinant, retombe quelques pas plus loin, et souvent se casse les reins avant d’arriver. Dans notre travail d’orthopédiste, nous en avons remis quelques-uns sur leurs pieds, en ayant soin toutefois de les laisser boitiller un peu : on ne les aurait pas reconnus s’ils eussent marché droit comme tout le monde. Mais nous avons dû être sobre de ces cures, et le lecteur en retrouvera plus d’un tout à plat sur le chemin. Ce n’est pas, en effet, œuvre de conteur que nous avions à faire, mais de simple rapporteur, voire de sténographe, toutes les fois, bien entendu, que « ppâ Lindor et mmâ Télésille » consentaient à ne pas trop bredouiller.

La mémoire n’est pas la qualité maîtresse de ces deux pauvres vieux. Les contes, les histoires venues de France forment là-dedans un pêle-mêle inextricable. Veulent-ils retirer de leur grenier quelque chose qu’ils croient complet, ce qu’ils rapportent est un composé de morceaux parfois bien singulièrement disparates ; à un lambeau d’un conte le souvenir infidèle a cousu sans sourciller un lambeau d’un autre, puis d’un troisième ; et, par exemple, l’histoire commencée avec Peau-d’Âne se termine avec Cendrillon, dont la pantoufle devient la bague que seul le doigt de l’hé-