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ces sophistes d’épouvantables trouées. Les mieux trempés résistèrent seuls, et les mieux préparés à la lutte pour la vie. De ce peuple d’enfants l’élite seule eut la force d’arriver à l’âge viril.

Or, c’est à l’enfance de cette population qu’appartient tout entière la littérature dont nous nous occupons : il suffira de lire vingt pages de ce recueil pour en recevoir comme nous la conviction. Un nouvel ordre social a créé d’autres attitudes à ces esprits, la culture a développé en eux d’autres qualités. Et l’on ne fait plus de contes créoles. On ne raconte plus même qu’à titre d’exception, par pure condescendance pour quelque curiosité attardée, ces histoires que nous disaient avec un entrain si abondant nos bons vieux noirs du temps margoze. Seules quelques antiques nénènes, mais les dernières, consentent encore à grand’peine à en exhumer de leur mémoire quelques fragments ; et ce sont ces lambeaux que l’auteur de ce livre a patiemment recousus, après les avoir réunis plus laborieusement encore. Mais le jour est prochain où ce travail de reconstruction aurait lui-même été impossible.

Si l’on ne raconte plus d’histoires, l’on chante encore du moins : les échos de nos rues sont là pour le dire ? — Oui, certes, on chante, et beaucoup, et à pleine gorge. Mais ce sont des airs d’opéra que nous chantons, ou bien d’adorables romances venues toutes faites de là-bas, et dont nous nous bornons à plier la