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CHAPITRE v

ILS IGNORERONT


Ici, demandons une pause au milieu des déductions, un moment pour méditer sur les destins. Notre sort est engagé pour plusieurs générations. De nouvelles tribulations com­mencent. Combien l’ont vu ? Combien s’en doutent ? Pourquoi ces choses et non d’autres ? À des sommes prodigieuses de dévouement et de sacrifice répondent des abîmes d’ignorance. Grand est le nombre des hommes qui subissent, qui vivent, souffrent et meurent sans avoir interrogé. Petit le nombre de ceux qui cher­chent à déchiffrer les causes pour lesquelles ils payent jusque dans leur chair.

Par Macbeth mourant, Shakespeare adresse au monde son adieu et son mépris : « Une fable contée par un fou, avec un grand fracas de mots et de gestes, et qui ne signifie rien ». Voltaire a vu les hommes s’agiter. Il a écrit les annales de dix peuples. Il désespère d’expliquer. Il refuse d’encourager les politiques et les historiens : « Le gros du genre humain a été et sera toujours imbécile ; les plus insensés