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LES ALLEMANDS DÉBITEURS DES FRANÇAIS

relevé la nouvelle République allemande. Le vœu de Michelet serait-il accompli ?

Mais les événements ne suivent jamais la voie qu’on leur assigne, surtout quand on veut que les choses soient autrement qu’elles ne sont, ce qui, disait Bossuet, est « le plus grand dérèglement de l’esprit ». Après Michelet, Jaurès a répété qué si l’unité allemande avait été créée pacifiquement, par le libéralisme et par la démocratie, alors une grande France et une grande Allemagne eussent été naturellement amies… Peu de paroles ont pu être aussi vaines que celles-là. Car nous ne savons qu’une chose, mais elle est certaine, c’est que l’unité alle­mande, tentée en 1848 par les idées du libéra­lisme et la démocratie, avait échoué et qu’elle a réussi en 1866 et en 1870 par Bismarck et par les Hohenzollern, par la diplomatie et par la guerre, par la force et par la conquête, par le fer et par le feu. Aucun regret, aucune hypo­thèse, aucune prophétie du passé, aucune « uchronie » ne changeront rien à ce fait. Ce qui a été a été. Sous sa première forme, sa forme originelle et la seule qui ait existé, l’unité allemande, conquérante et victorieuse, ne pouvait être suivie d’une amitié entre l’Alle­magne et la France.

Mais, en 1919, l’unité allemande a survécu à la défaite, à la chute des Hohenzollern et au traité de Versailles. Non seulement les Alliés l’ont respectée, mais encore ils l’ont consacrée de leur sceau, ils lui ont donné la base juri-