France restait polie et insensible. Alors l’Allemand dépité menaçait, justifiant notre réserve, provoquant lui-même nos précautions de légitime défense. Pendant quarante-quatre ans, l’Allemagne a commis erreur sur erreur dans ses rapports avec la France parce qu’elle tenait pour inexistante la question d’Alsace-Lorraine et la question de notre sécurité. Ces questions, que le monde entier connaissait, l’Allemagne ne se les posait même pas. Elle fondait sa politique sur la négation de ces réalités. Conserver des provinces françaises conquises contre le vœu de leurs habitants était pour elle l’exercice d’un droit naturel. S’armer sans cesse de manière à pouvoir à tout moment envahir ses voisines, c’était l’exercice d’un autre droit. Voilà les conditions dans lesquelles la France a réussi, pendant près d’un demi-siècle, force de modération et de dignité, à vivre en paix avec la puissante Allemagne, sans aliéner son indépendance vis-à-vis d’elle. Durant cette période, les relations franco-allemandes n’ont pas été faites d’autre chose jusqu’à ce qu’elles fussent rompues par la volonté de l’Allemagne elle-même.
Mille ans d’histoire avaient vu déjà bien des changements, bien des retournements de situation entre l’Empire germanique et la France. La période 1871-1914 a vu s’accomplir une expérience toute particulière. La France et l’Allemagne avaient achevé leur unité. Mais l’unité de la France était purement nationale, sans un