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LES ALLEMANDS DÉBITEURS DES FRANÇAIS

guerre, l’attitude de l’Allemagne vis-à-vis de la France a été un cas d’inintelligence remarquable. Du commencement à la fin, elle s’est trompée sur le peuple français. Munis d’un service de renseignements perfectionné, les Allemands n’oubliaient de regarder qu’une chose : celle que tout le monde pouvait voir sans espions. Un de leurs plus célèbres caricaturistes a laissé, il y a déjà longtemps, ce portrait du « psycho­logue ». Sur la route, le psychologue passe. Dans le jardin d’une maison de campagne, une famille est réunie et, ce qu’elle fait, tout le monde le voit du dehors. Mais le psychologue s’approche, il colle son œil au trou de la ser­rure et il observe studieusement.

C’est à peu près ainsi que les Allemands avaient étudié la nation française et ils n’avaient pas aperçu ce que nul n’ignorait. Bismarck, puis Guillaume II avaient plusieurs fois cherché à gagner l’amitié de la France. Ils l’avaient d’ailleurs cherché sans adresse, d’une main brutale, la douche froide alternant avec la douche chaude. Comme dans la chanson, ils semblaient toujours dire : « Si je t’aime, prends garde à toi ». Et puis, leurs avances avaient une arrière-pensée qui était d’enrôler la France au service de la poli­tique allemande. Lorsque Bismarck favorisait nos entreprises coloniales, c’était avec le dessein de mettre en conflit la France et l’Italie, la France et l’Angleterre. La diplomatie française, et, mieux encore, la nation française, avec un instinct juste, perçait aisément ces calculs. La