Page:Bainville Les conséquences politiques de la paix 1920.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
44
CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

plus de succès que Thiers en 1866. Ceux qui en parlaient dans des livres ou dans la presse obte­naient le suffrage des hommes cultivés, et M. Paul Deschanel, par exemple, ne marchandait pas le sien. Mais ces idées étaient sans doute trop neuves ou bien elles venaient de trop loin et elles supposaient une prépara­tion trop peu répandue pour entraîner des convictions efficaces. Partout ailleurs, elles étaient tournées en dérision. Le pouvoir, à qui elles étaient étrangères ou trop nouvelles, ne les eût partagées et mises en œuvre que si elles avaient conquis l’esprit public. La conquête de l’esprit public demande des efforts et du temps. Elle est seulement commencée. Il y a fallu l’expé­rience de la paix, et c’est peut-être bien tard.

On dira sans doute que, pendant la guerre, il était imprudent de menacer l’Allemagne d’une dissociation et que cette menace n’eût servi qu’à resserrer l’union nationale. La même rai­son eût pu empêcher aussi de proclamer que la lutte serait poursuivie jusqu’à la victoire complète, jusqu’à ce que l’Allemagne fût à genoux. Elle eût pu empêcher de promettre à Guil­laume II le dernier supplice, car jusqu’aux dernières semaines de la guerre, le prestige de l’empereur n’était pas atteint. Quand les Alle­mands ont-ils renversé Guillaume II ? Quand ils ont compris que la chute des Hohenzollern était nécessaire pour obtenir la paix. Au début de novembre, Scheidemann et les socialistes majoritaires hésitaient encore.