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CARACTÈRES DE LA PAIX

C’est peut-être parce qu’il était l’adversaire et le négateur du principe classique de l’équilibre que le président Wilson a voulu que le pacte de la Société des Nations précédât et commandât le traité de Versailles comme tous les autres traités. Qu’est-ce que la Société des Nations ? L’équilibre irréel au lieu de l’équilibre réel. La Société des Nations nie l’équilibre qu’on peut appeler subjectif, celui qui n’admet pas de dis­proportion entre États voisins ou exposés à des conflits. Elle nie également l’équilibre objectif, celui qui résulte des combinaisons d’alliances. Elle prétend les rendre l’un et l’autre inutiles en assumant la charge d’établir la justice entre les peuples, de faire respecter le droit et d’har­moniser les intérêts. Le jour où l’Allemagne serait jugée digne d’entrer dans l’association, ce jour-là, selon le système wilsonien, la paix n’aurait plus besoin d’une autre garantie.

Un seul article, dans le pacte de la Société, avait un sens net et positif. C’était l’article 10, celui par lequel les membres de la Ligue s’engageaient entre eux à protéger et à défendre leur intégrité territoriale et leur indépendance. Unique de son espèce, une grande assemblée politique, le Sénat de Washington, a eu le cou­rage et la franchise de dire tout haut qu’elle rejetait un pareil fardeau et un pareil devoir. Les gouvernements et les parlements qui les ont acceptés n’étaient pas sincères et ne se croyaient pas réellement tenus par un si vaste engagement ou bien ils n’en avaient pas mesuré