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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

a encore un demi-siècle, que les vrais Prussiens. La perte en est ressentie par un homme de Stuttgart ou de Munich, parce que l’homme de Stuttgart ou de Munich se dira : « Wurtember­geois ou Bavarois, je possède et je dois comme si j’étais Prussien. Notre actif est le même que notre passif. Tout ce qu’on prend à la Prusse on le prend à l’Allemagne. On me le prend. Ce que nous reprendrons, nous le reprendrons ensemble aussi ». Ils sont 60 millions à raisonner de la sorte, rivés à la même chaîne des réparations, mais qui s’apercevront mieux de leur force à mesure que le temps passera. Car le traité leur donne une obligation commune, un intérêt commun et un État commun, l’espoir à travers le désespoir.

Pendant plus d’une génération, les Allemands devront payer tribut aux Alliés. Ils devront payer le tribut principal aux Français qui sont un tiers de moins qu’eux : quarante millions de Français ont pour débiteurs soixante millions d’Allemands dont la dette ne peut être éteinte avant trente années, un demi-siècle peut-être. Des enfants qui ne sont pas encore nés, qui n’auront connu la guerre que par ouï-dire, par une légende dont le caractère se laisse déjà deviner (« nous n’avons pas été vaincus »), ces enfants seront arrivés à l’âge d’homme et, sur le produit de leur travail, il leur faudra encore prélever la part des réparations. Quelles ga­ranties, quelles précautions eût appelées cette formidable créance ! Au moins que ces millions