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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

major Schill avait pris sur lui de réveiller l’esprit guerrier. Pourtant, après Iéna, la Prusse avait été désarmée. Mais l’État prus­sien subsistait. Il s’était remilitarisé en cinq ans. Les interdictions du vainqueur avaient été tournées ou violées jusqu’au jour où, les cir­constances aidant, l’armée prussienne eut la même légitimité que l’État prussien.

La Prusse d’aujourd’hui, c’est l’Allemagne. Le traité de Versailles les confond. Et ce que ressent la Prusse, l’Allemagne doit le ressentir aussi. Le désarmement qu’ordonne le traité de Versailles est une garantie encore plus faible que celui que Napoléon lui-même n’avait pu obtenir, — et pourtant Napoléon était entré à Berlin. Il ne faut pas oublier en outre que le militarisme prussien, avant d’être un péril européen, a été un péril allemand. Jusqu’en 1866, où il avait dompté les résistances, le militarisme prussien a trouvé des limites ou un correctif dans la constitution même de l’Allemagne, dans l’équilibre des forces et dans les mœurs qui résultaient du régime fédéral. En 1813, le mi­litarisme ne disposait que des ressources de la Prusse frédéricienne. En 1870, des ressources de la Prusse bismarckienne. Pour sa renaissance, il aura celles de tout l’Empire allemand, tel que le traité de Versailles l’a reconnu et consacré.

La paix a conservé et resserré l’unité de l’État allemand. Voilà ce qu’elle a de doux. Cette con­cession essentielle n’aggrave pas seulement,