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CARACTÈRES DE LA PAIX

qu’il fût inutile que le premier ministre insis­tât. En France, au contraire, M. Clemenceau et ses collaborateurs, afin d’obtenir l’adhésion du pays et la ratification des Chambres, ne se lassaient pas de compter nos gains : l’Alsace-Lorraine, nette de toute charge, rendue à la France, la propriété des mines de la Sarre, le Maroc libéré de ses hypothèques. Grande différence entre les Anglais et nous. Ce qui allait sans dire pour eux, tant leur bénéfice était évident et tangible, devait être démontré pour nous et tout le monde était loin d’être satisfait. Mais, entre l’Angleterre et la France, le contraste s’étendait plus loin. Sur la garantie de la paix par l’occupation de la rive gauche du Rhin, le gouvernement français et le gouvernement britannique présentaient deux thèses presque opposées : une occupation de quinze années, disaient nos négociateurs, et qui pourra être prolongée si l’Allemagne ne tient pas ses engagements ; une occupation qui paraî­tra peut-être bien longue, disait M. Lloyd George, mais qui pourra être abrégée, car, le moment venu, la question de l’occupation sera examinée de nouveau.

Ainsi M. Lloyd George avait peut-être besoin de plaider pour la paix qu’il rapportait à Londres. Mais c’était seulement le libéralisme puritain qu’il cherchait à convaincre. L’Angleterre était comblée d’avance. Elle l’était depuis l’armistice, depuis que les navires allemands reposaient en rades britanniques. L’Angleterre n’avait même plus besoin de penser aux bénéfices de la