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CHAPITRE VII

L’ALERTE DE 1920
ET L’AVENIR DES SLAVES


Joseph de Maistre se méfiait des prédictions. « S’il faut prophétiser !… » disait-il un jour. Renan, qui était sceptique, n’a pas craint de hasarder quelques prophéties. Il en a laissé une qui est fameuse. Dans la deuxième lettre qu’il adressait à Strauss, pendant la guerre de 1870, il avait menacé l’Allemagne du slavisme. « Le nombre des Slaves est double du vôtre », disait-il à celui qu’il appelait encore son savant maître. « Et le Slave, comme le dragon de l’Apo­calypse, dont la queue balaye la troisième par­tie des étoiles, traînera un jour après lui le troupeau de l’Asie centrale, l’ancienne clientèle des Gengis-Khan et des Tamerlan. »

Cette queue du dragon qui balaye la troi­sième partie des étoiles, cette figure apocalyp­tique, c’était un peu mieux tourné que le « rou­leau compresseur ». Au fond, c’était la même idée. Renan, qui ne croyait, dans l’humanité, qu’à l’aristocratie, avait succombé ce jour-là à une illusion populaire, au préjugé du nombre.