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LE JEU DE TRENTE-DEUX CARTES

une sorte de droit divin ? Une plasticité presque infinie reste l’apanage de ces peuples et de ces régions. Et la plasticité, c’est l’instabilité.

À défaut de frontières naturelles et de frontières historiques, ces Etats-enfants ont-ils reçu au moins des frontières stratégiques ? Ont-ils le moyen de se défendre ? Pas plus que pour la France, on n’y a songé pour eux. Dans son remarquable rapport sur les stipulations ter­ritoriales des traités de paix, M. Charles Benoist relève un oubli singulier. Une Tchéco-Slovaquie a été créée, mais le quadrilatère de Glatz, clef de la Bohême, par où l’armée prussienne avait passé en 1866, a été laissé à l’Allemagne, comme si le mot de Bismarck avait cessé d’être vrai : « Celui qui est le maître de la Bohême est le maître de l’Europe centrale », et comme si cette proposition n’était pas démontrée par les deux batailles fameuses de la Montagne-Blanche et de Sadowa.

Les États anciens à qui la guerre a valu des accroissements considérables ne sont d’ailleurs pas mieux constitués que les États nouveaux. Comme la Tchéco-Slovaquie, la Roumanie et la Yougo-Slavie sont tout en longueur. Par rap­port à leur étendue, le développement de leurs frontières est excessif et, par conséquent, la défense en est extrêmement difficile. Près de la moitié de la Grèce ne sera qu’un littoral, une bande côtière. La Grèce, dépourvue d’ « épine dorsale », comme disait M. Venizelos avant de succomber à la mégalomanie, sera très exposée