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d’après laquelle les rois se seraient coalisés contre la Révolution pour rendre aux Bourbons leur autorité. Par une « auguste comédie », la coalition avait invoqué le prétexte de la légitimité, en se désintéressant complètement du sort de Louis XVI et de Marie-Antoinette. On sait que la Convention, malgré plusieurs tentatives, ne réussit pas à obtenir l’échange de la reine. La vérité est que la coalition se servit, mollement d’ailleurs, quand ce ne fut pas maladroitement, de l’argument contre-révolutionnaire, en sorte que les républicains, après avoir proclamé la guerre aux tyrans, ne tardèrent pas à négocier avec eux. La règle des rois dans leurs rapports avec la Révolution fut celle de « l’égoïsme sacré ». C’est la pensée que traduisait l’empereur Léopold, le frère de Marie-Antoinette, lorsqu’il écrivait sans ambages : « Il ne s’agit pas de faire une guerre à la France, de prodiguer notre or et notre sang pour la remettre dans son ancien état de puissance. »

La vérité est aussi que la Révolution a cherché la guerre. C’est elle qui l’a provoquée. C’est de propos délibéré que l’Assemblée législative a déclaré la guerre à l’Autriche. Jean Jaurès, dans son Histoire socialiste, a insisté sur la responsabilité de Brissot et des Girondins et les a couverts de sa réprobation pour avoir détourné la Révolution de son cours et introduit l’Europe dans un conflit de vingt-trois ans. Mais la Révolution pouvait-elle être pacifique ? Pouvait-elle même se faire si elle conservait la paix ? Mirabeau pressentait l’avenir, comprenait la logique des événements lorsqu’il adjurait la Constituante d’armer la France : « Voyez les peuples libres, disait-il prophétiquement, c’est par des guerres plus ambitieuses, plus barbares qu’ils se sont toujours distingués. Croyez-vous que des mouvements passionnés, si jamais vous délibérez ici de la guerre, ne vous porteront jamais à des guerres désastreuses ? » Ces mouvements devaient se produire le jour où des orateurs feraient appel aux passions de l’opinion publique, le jour où, les institutions nouvelles ayant livré la politique extérieure, comme le reste, aux intrigues et