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Hongrois contre l’Empereur. Louis XVI encore avait appuyé les insurgés américains, et l’Angleterre — le fait est acquis aujourd’hui — ne manqua pas, en 1789, de lui rendre la pareille. Parmi les gouvernements étrangers, les uns accueillirent donc les événements de France avec égalité d’âme, les autres avec satisfaction, au point que, selon un mot de M. Waddington, le roi de Prusse « allait faire des vœux pour la perpétuité des troubles révolutionnaires ». On lit encore, dans le Manuel de politique étrangère de M. Émile Bourgeois, qui résume sur beaucoup de points les conclusions définitivement obtenues par l’école historique contemporaine : « Les politiques du XVIIIe siècle ne se guidaient pas par des raisons de sentiments. À l’endroit de la Révolution française, ils n’éprouvaient ni bienveillance, ni hostilité véritable. Ils la jugeaient comme un fait, et d’après l’opinion qu’on se faisait dans leur monde et parmi leurs devanciers des faits du même genre. Ils se rappelaient l’Angleterre écartée pendant tout le XVIIe siècle des affaires européennes par des discordes civiles, la Hollande asservie à sa voisine par la lutte des stathouders et des États. » À la nouvelle des événements de Paris, l’idée qui se présenta à tout ce qui gouvernait en Europe fut que les embarras du roi de France étaient les bienvenus. Tel calcula qu’il aurait désormais les mains libres en Allemagne, cet autre en Pologne, ce troisième sur les mers. Et chacun se mit en mesure de régler sa politique sur la crise intérieure de la France.

Mais, d’autre part, dans la France elle-même, la vie continuait. Pas plus à ce moment qu’à un autre on ne vit des hommes entièrement nouveaux prendre la place des anciens occupants. Thiers a remarqué, en racontant les péripéties de la restauration monarchique de 1814, que ces événements s’étaient déroulés devant la même toile de fond que l’Empire, le Consulat, le Directoire et la Terreur. Par l’effet naturel de la lenteur avec laquelle les générations se succèdent les unes aux autres, par la gradation insensible des âges, on voit à toutes les époques des