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Louis XVI d’aller à la chasse, ni les Parisiens d’aller au spectacle ce jour-là. Elle n’avait pas davantage empêché les événements de suivre leur cours dans le reste du monde, ni fait table rase en Europe. Si l’on regarde la Révolution non plus en elle-même, non plus comme une apparition messianique ou comme un monstre de l’Apocalypse, mais dans ses rapports avec les intérêts, les tendances, les impulsions, les habitudes, les positions prises, les affaires en cours et les parties engagées au milieu desquelles elle est survenue, l’événement se réduit à ses proportions justes et la suite en est rendue explicable. Sinon, c’est une mêlée furieuse et confuse dont l’esprit perd le fil. Il devient alors plus court d’en juger les péripéties d’un point de vue apologétique et moral. De là, entre Français, un nouveau sujet de divisions et de querelles, qui tombent d’elles-mêmes dès que l’on a saisi les forces diverses dont le jeu a entraîné si loin les acteurs de la Révolution.

Au moment où Louis XVI convoqua les États généraux, il y avait beaucoup de questions pendantes en Europe ; la plus naïve des illusions consiste à s’imaginer que le monde européen ait retenu son souffle en regardant les merveilles qui s’accomplissaient à Paris. Affaires d’Orient, affaires de Pologne, affaires des Pays-Bas préoccupaient les gouvernements. Ils virent tout de suite les événements de France comme un facteur nouveau qui s’offrait à leur politique, et ils ne s’en montrèrent pas émus. En effet, ni les révolutions ni les chutes de monarchies n’étaient chose nouvelle en Europe et l’étranger n’avait pas de raison de s’étonner que la France passât par où avaient passé avant elle l’Angleterre, les Pays-Bas, le Portugal, la Suède, la Pologne, l’Amérique, etc. Les révolutions étaient un phénomène dont on s’offusquait si peu que les monarchies les appuyaient parfois, quand elles ne les avaient pas fomentées. Louis XIV donnait la recette au dauphin lorsqu’il lui enseignait comment il avait lui-même soutenu les restes de la faction de Cromwell, fourni des subventions aux républicains de Hollande et soulevé les