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veront toujours un écho dans le public. Si les mots mystérieux de « renversement des alliances » s’associent pour les esprits à demi cultivés à l’idée des « fautes de la monarchie », c’est le prolongement d’impressions très anciennes, de souvenirs confus, c’est la suggestion héréditaire de disputes, vieilles d’un siècle et demi, entre Français. L’étude des mouvements de l’opinion publique au XVIIIe siècle montre avec une éblouissante clarté que le désaccord qui s’esquissait en 1740, qui se précisa en 1756, sur la direction qu’il convenait de donner à la politique de la France au dehors, a été l’origine certaine de la rupture qui devait se produire quelques années plus tard entre le peuple français et ses rois. On a cherché souvent la cause profonde de ce divorce entre une dynastie et une nation qui, pendant huit siècles, avaient été intimement unies, au point que c’était toujours dans l’élément populaire que les Capétiens avaient trouvé leur appui, tandis que les plus graves difficultés leur étaient venues des grands. Eh bien ! du « renversement des alliances » date l’origine la plus certaine de la Révolution, qui devait aller jusqu’au régicide après avoir commencé par le simple désir de réformes dans la législation, l’économie rurale, les finances et l’administration. C’est sur une question d’intérêt national où, comme la suite des choses l’a prouvé, la monarchie avait raison, que naquit un malentendu destiné à s’aggraver jusqu’à faire une injure du nom de Capet.

Avant que la publication des documents authentiques eût fait la lumière, le renversement des alliances a eu sa légende. Très longtemps il a passé pour certain que toute espèce de réflexion et de calcul politique avaient manqué à ce changement de front, à ce rapprochement avec la Cour de Vienne. Seuls, le caprice, la vanité y avaient eu part. Une favorite, un abbé de cour avaient été les jouets de la diplomatie autrichienne. Bernis était entré dans l’intrigue de la marquise de Pompadour, flattée d’être appelée « chère amie » par une lettre de l’Impératrice (légende, l’histoire l’a reconnu, accréditée par Frédéric II en