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simuler, « voisin dangereux, allié suspect et incommode ». Faisant le compte des ressources en argent et en hommes que le roi-sergent avaient laissées à son fils, le diplomate français concluait : « De là cette puissance nouvellement née en Europe, qui devient si redoutable entre les mains du fils qu’elle change, à mon sens, l’ancien système ou qu’elle peut du moins le changer. » C’était, indiqué en quelques mots, tout le grand débat sur la ligne de conduite de la France qui allait diviser notre pays au XVIIIe siècle.

La mort de l’empereur Charles VI — l’ex-archiduc Charles, notre ancien adversaire dans la guerre de Succession d’Espagne, — semblait ouvrir de nouveau la question d’Autriche. Charles ne laissait qu’une fille, Marie-Thérèse, à laquelle, en accumulant les traités avec toutes les puissances, en collectionnant les parchemins, il s’imaginait avoir assuré sa succession. La maison d’Autriche tombée en quenouille, n’était-ce pas l’occasion d’en finir, une fois pour toutes, avec l’ennemie héréditaire ? Une grande partie de l’opinion publique, en France, le pensait. Deux siècles durant on avait combattu les Habsbourg. On les avait vaincus. Il s’agissait de les achever, de leur retirer à jamais la chance d’être élus de nouveau à l’Empire en y portant un ami et un client de la France (l’électeur de Bavière). Le gouvernement — celui du prudent Fleury — hésitait, pesait le pour, le contre, ne disait pas non quand il s’agissait de soutenir le Bavarois, mais ne trouvait pas mauvais que la maison d’Autriche restât telle quelle, encore affaiblie par la présence d’une femme à sa tête. Les recommandations suprêmes, si raisonnables, de Louis XIV, sur l’utilité d’une entente avec la Cour de Vienne, se présentaient naturellement aux esprits politiques. Le plus sage semblait être d’attendre, de voir venir. C’était la pensée de Fleury, c’était celle aussi de Louis XV, encore jeune, encore bien tenu en tutelle, mais à qui le sens juste des choses de la politique ne manquait pas. Au grand conseil où fut examinée l’attitude que devait adopter la France, Louis XV pro-