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mande réapparaîtrait tôt ou tard de l’un de ces côtés-là. Ce danger, l’« union nouvelle qu’il convenait d’établir entre la maison de France et celle d’Autriche » était destinée à le conjurer. On reconnaîtra que cette perspicacité et cette clairvoyance sont dignes de l’admiration la plus profonde. Louis XIV laissait, en mourant, la France avertie d’un péril nouveau. Il laissait aussi la marche à suivre pour que les Français en fussent préservés.

La tâche de la politique est de résoudre des difficultés sans cesse renaissantes. Elle est aussi de les prévoir et de ne pas se laisser prendre au dépourvu. C’est ainsi que le développement de la Prusse vint renouveler l’aspect du problème allemand et donner à la politique française de nouveaux soucis.

On eût bien surpris les contemporains d’Henri IV ou de Richelieu si on leur eût désigné comme l’ancêtre de futurs empereurs d’Allemagne ce marquis de Brandebourg, très gueux, qui régnait sur de pauvres sablières et qui, selon l’usage de tant d’autres princes allemands, vivait sous la protection de la France dont il mendiait les subsides. Le marquis, devenu Électeur, n’était pas encore un grand personnage. Voltaire remarque qu’aux congrès de Westphalie les ambassadeurs de France prenaient le pas sur lui et ne l’appelaient pas autrement que « Monsieur ». Et Voltaire d’ajouter : « Ce Monsieur était Frédéric-Guillaume Ier, bisaïeul du roi de Prusse Frédéric. » Grand sujet d’étonnement, en effet, que cette ascension si rapide. Les Hohenzollern ont brûlé les étapes comme aucune autre famille ne l’a jamais fait. Dans une Allemagne dont la division était garantie par un système d’équilibre où la France, d’abord, l’Autriche ensuite, et les cours secondaires, après elles, trouvaient également leur compte, dans cette Allemagne pulvérisée, comment un État, et un seul, l’État prussien, a-t-il