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deux couronnes, la reconstitution de l’Empire de Charles-Quint apparut alors comme un danger bien plus certain que celui qu’on avait voulu combattre. Ce fut au sens politique des conservateurs anglais, des tories, opportunément revenus au pouvoir, que l’on dut une paix qui, en définitive, donnait raison à Louis XIV.

Le but de la succession d’Espagne atteint, les Habsbourg à jamais éloignés de Madrid, réduits à leurs domaines héréditaires et au titre vide et pompeux d’Empereurs, Louis XIV eut une pensée par laquelle s’atteste encore ce haut bon sens que lui a reconnu Sainte-Beuve. À la fin de sa carrière, peu de mois avant sa mort, Louis XIV avait la satisfaction de voir un cycle fermé. Cette lutte contre la maison d’Autriche, qui, pendant deux siècles, avait occupé la monarchie, à laquelle la nation française, avec ses rois, ses grands politiques, ses illustres capitaines, avait pris part de toute son âme, cette lutte était enfin terminée. La question d’Espagne était résolue à notre avantage, comme l’avait été, soixante-sept ans plus tôt, celle d’Allemagne. La France pouvait se réjouir. Son avenir continental était assuré. Elle était libre de songer à l’achèvement de son unité territoriale et aussi à son expansion maritime : politique dont le Pacte de Famille, formé plus tard avec les Bourbons d’Italie et d’Espagne, devait être l’expression. Sur le principe intangible des traités de Westphalie, « base nécessaire de la tranquillité publique », Louis XIV conçut une politique nouvelle. La rivalité avec la maison d’Autriche n’ayant plus d’objet, il voulut rendre impossible le retour de querelles et de guerres désormais stériles pour la France. Un rapprochement entre les deux puissances avait pour avantage de consolider les résultats acquis. La maison d’Autriche, prenant son parti de ne plus dominer en Allemagne, devenait intéressée à ce qu’aucune autre puissance germanique n’y dominât à son tour. Abaissée, diminuée, assagie par conséquent et incapable de nuire, elle passait au rang d’élément conservateur et modérateur. Tout en restant convaincu de la néces-