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LES TRAITÉS DE WESTPHALIE

lution, en présence des envahissements de la Prusse en Allemagne, le gouvernement de Louis XVI se réclamait encore des droits et des devoirs de la France, garante de la liberté germanique.

Le chef-d’œuvre de la paix de Westphalie, ce fut peut-être que les Allemands s’en montrèrent les premiers satisfaits, tant elle répondait à leurs goûts et à leur nature. En vain l’empereur Ferdinand III, par la plume de ses écrivains, qui jouaient alors le rôle des journalistes officieux de nos jours, avertissait-il ses peuples que le roi de France, sous prétexte de travailler pour leurs droits, avait travaillé pour lui-même, que le Bourbon se proposait de prendre en tutelle les Allemagnes divisées et réduites à l’impuissance. Est-ce que l’Empereur se mêlait des affaires de France, encourageait les Frondes ou protégeait les Parlements ? Et il montrait que, sous prétexte de liberté germanique, les rois de France arrachaient l’un après l’autre des pans du Saint-Empire, les évêchés hier, l’Alsace aujourd'hui, la Lorraine ou autre chose demain… Les Allemands furent insensibles à ce langage. Ils se plurent dans leur anarchie. Bien mieux, ils en tirèrent vanité. Cette Constitution que l’étranger leur avait donnée, que la politique française avait mûrie, ils lui découvrirent un caractère « national ». Leurs juristes en firent de longs commentaires, et ils ne manquèrent pas d’en trouver les origines dans le droit des vieux Germains. Ils s’épuisaient en doctes définitions, au bout desquelles il leur arrivait, comme à Pufendorf au XVIIe siècle, de conclure ainsi : « Il ne reste plus autre chose à dire, si ce n’est que l’Allemagne est un corps irrégulier, et qui a l’air d’un monstre (monstro simile) au regard de la science politique… D'un royaume régulier, elle a dégénéré en une forme de gouvernement si mal combinée, qu’elle n’est plus désormais une monarchie, même limitée, bien que les signes extérieurs en offrent l’apparence, ni précisément un corps ou système de plusieurs États confédérés, mais plutôt quelque chose de flottant entre ces deux régimes. » C’est ce que Voltaire, avec