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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

fort semblables données par Guillaume II à ses ambassadeurs à Paris pour faire rejeter par notre Parlement des crédits militaires. S’acquérir des partisans à la Diète de Ratisbonne devint tout de suite l’habitude de la diplomatie française, une tradition fidèlement transmise par les « académiciens du cabinet ». En 1726, Chavigny emportait ces recommandations spirituellement discrètes en se rendant à Ratisbonne :

Il entrera parfaitement dans les vues de Sa Majesté, s’il sait acquérir de telle sorte la confiance de quelques-uns des principaux ministres de cette Assemblée, qu’il puisse être instruit par eux de tout ce qui s’y passera et profiter des ouvertures et des moyens qu’il trouvera d’avancer, retarder ou empêcher par des représentations qu’il saura faire à propos les différentes résolutions suivant qu’elles pourront être conformes ou contraires aux intentions de Sa Majesté. Bien entendu qu’il évitera de paraître jamais l’auteur de ces sortes de mouvements ; car il suffirait que l’origine en fût connue pour que les effets contraires eussent lieu.

Il ne faut pas que le plénipotentiaire du roi de France puisse être accusé de ne s’occuper, à Ratisbonne, « qu’à fomenter la division qui se fait déjà remarquer dans l’Empire ». En réalité, il ne se rend pas à son poste pour autre chose. Il va exploiter l’anarchie germanique et veiller à ce que le système établi par la paix de Westphalie ne soit pas altéré. Par une suprême précaution qui couronne l’édifice, le roi de France s’est réservé, à cet effet, la garantie des traités de 1648. Cette Charte de l’Allemagne, qui est en même temps la Charte de l’Europe, est déclarée par lui inviolable. Quiconque y touche aura affaire à sa justice. Partagée d’abord avec la Suède (qui a joué au XVIIe siècle le rôle d’« allié de revers » dévolu plus tard à la Russie), la garantie des traités de Westphalie ne tarda pas à appartenir à la France seule. Sur ce point, la monarchie n’eut pas une heure de relâchement. Ayant réussi à diviser et à désarmer l’Allemagne, elle n’entendait pas laisser renaître l’ancien état de choses, ni que le résultat des efforts accomplis par la nation française fût remis en question. En 1788, à la veille de la Révo-