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LES TRAITÉS DE WESTPHALIE

survivait une flamme de patriotisme, une certaine notion de l’intérêt national, déploraient ce funeste régime parlementaire qui, selon le mot de l’un d’eux, plongeait l’Allemagne dans « une nuit éternelle ». En effet, comme un historien l’a écrit, l’étranger s’empressa tout de suite « d’exploiter, avec la connivence des intéressés, les vices de l’institution ».

Le roi de France s’était réservé le droit — exorbitant à bien y penser — d’être représenté à la diète d’Empire par un plénipotentiaire dont la vraie mission était de surveiller les travaux de l’assemblée, d’y nouer des intelligences, d’en faire tourner les discussions au profit de l’État français. Le recueil des instructions diplomatiques données sous l’ancien régime à nos ministres auprès de la Diète germanique est d’une grande clarté sur ce point : il s’agit d’employer le régime parlementaire allemand dans l’intérêt de la France. C’est un système sur lequel notre diplomatie n’a eu ni un scrupule, ni un doute. En 1698, par exemple, on appréhende à Paris que la Diète n’accorde un accroissement de forces militaires à l’Empereur. M. Rousseau de Chamoy, partant pour Ratisbonne, reçoit ces instructions :

Les délibérations de la Diète de Ratisbonne sur les affaires les plus importantes sont ordinairement traversées par tant d’incidents de peu de conséquence qu’il sera de l’habileté du sieur de Chamoy de profiter de ces différents incidents pour éloigner autant qu’il sera possible les délibérations sur le point de l’armement, sans qu’il paraisse qu’il en craigne la résolution. Il doit éviter dans cette même vue d’en parler le premier ; mais lorsque l’occasion se présentera d’agiter naturellement avec les députés des princes de l’Empire ce qui peut convenir à leurs maîtres après la paix, il pourra, sous prétexte d’examiner pour leur propre bien l’utilité ou les inconvénients de cet armement, leur faire voir qu’ils n’ont présentement rien à craindre de la part de Sa Majesté…

Mais il doit se servir de ces raisons sans affectation ; et comme Sa Majesté ne doute pas qu’il n’observe avec beaucoup d’attention les différents mouvements de la Diète, il trouvera des conjonctures heureuses pour éloigner, par le seul embarras des affaires qui naîtront, toutes les propositions qui pourraient être contraires au maintien de la paix.

Nos arrière-neveux connaîtront peut-être des instructions