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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

régime parlementaire lorsque l’on voit la dextérité, expression d’une connaissance directe de la vie des assemblées, avec laquelle notre diplomatie disposa les rouages de la Diète en vue de rendre tout gouvernement sérieux impossible en Allemagne. La composition de cette Chambre fut savamment compliquée. Électeurs, princes et villes formant chacun un collège, on comptait, et avec raison, sur les intérêts et les sentiments de ces trois groupes, généralement unis contre l’autorité impériale, mais divergeant sur le reste pour les faire disputer entre eux. La Diète reproduisait toutes les divisions territoriales, politiques, religieuses de l’Allemagne et les échauffait en vase clos. Les villes surtout devaient y représenter l’élément démocratique, et Mazarin observait avec satisfaction : « Hambourg, entre autres, a déclaré qu’elle respirait encore l’air de l’ancienne liberté d’Allemagne. » Un beau règlement, très minutieux, sur l’ordre des discussions et la manière de procéder au vote, rendait, sous prétexte de protéger les droits de chacun, la marche des affaires d’une lenteur infinie, parfois toute décision impossible. En outre, le programme des attributions de la Diète lui proposait la solution des problèmes les plus difficiles, les plus irritants, dont chacun devait provoquer des conflits et des disputes, particulièrement en matière de finances et d’impôts. Selon le calcul de ses inspirateurs français, la Diète germanique fut le conservatoire de l’anarchie allemande. « Qu’y fait-on, sinon contredire et chicaner à la façon des maîtres d’école ? » s’écriait Leibnitz. Et un autre écrivain politique allemand de la même époque disait, avec ironie, du parlement de Ratisbonne : « Il serait curieux de savoir ce qu’un si grand nombre de députés a fait depuis tant d’années à la Diète, et à quoi ont servi tant de grands repas et tant de vin d’Espagne qu’on boit le matin, et tant de vin du Rhin qu’on boit le soir. La vérité est qu’ils travaillent à une matière inextricable, et qu’après s’être longtemps évertués pour rien ils peuvent jurer qu’ils n’ont pas été sans rien faire. » D’autres Allemands — ils étaient très rares, — chez qui