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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

mailles de ce filet. Dans chaque lignée princière, le traité entretient les rivalités et alimente les jalousies. Il y a des Hohenzollern, des Wittelsbach, des Wettin, des Guelfes, etc…, qui règnent et qui se surveillent de tous les côtés. Le calcul était si bon que deux branches de Brunswick, brouillées depuis cette époque, ne se sont réconciliées que de nos jours.

La « croix » dont parlaient alors les géographes fut lourde à porter, surtout pour les Empereurs contre qui, selon une forte et heureuse expression de Mignet, l’Empire fut désormais constitué, et qui durent renoncer à l’espérance d’en faire marcher ensemble les membres épars. Dans cette Allemagne décomposée, chacun posséda son indépendance, put agir à sa tête sans être obligé à rien pour le bien général. Quand La Fontaine disait : « Tout petit prince a ses ambassadeurs », il faisait allusion à ces principicules germaniques libres de s’allier avec toute puissance de leur choix. Nous avons vu, dans la guerre de 1914, la principauté de Liechtenstein déclarer sa neutralité et refuser d’envoyer à l’Autriche son contingent militaire. Deux cents Liechtenstein de toutes les dimensions jouissaient de la même liberté dans l’Allemagne hachée par les auteurs des traités de Westphalie. Sur le particularisme allemand, sur l’intérêt personnel, les rivalités, l’amour-propre des princes et des tribus germaniques, ils avaient fondé un système inextricable. L’Allemagne comme nation en parut étouffée pour toujours.

Ce n’était pas l’Empereur qui eût été capable de réveiller le sentiment national. Son prestige sortait des congrès de Munster et d’Osnabruck plus atteint que jamais. La maison d’Autriche n’avait pas dompté les protestants, elle avait perdu son influence sur les catholiques, elle restait soumise à l’élection avec des électeurs agrandis. Et si elle parvint à garder le titre impérial jusqu’à la chute du Saint-Empire, ce fut au prix de concessions et d’abandons de pouvoir toujours plus graves à chaque scrutin. L’élection de Léopold Ier, la première qui eut lieu après la conclusion des traités, fut un véritable scandale. La France y inter-