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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

candidat éternel lorsqu’il a mis dans sa bouche les vers fameux : « Être Empereur, ô rage, ne pas l’être… » ou bien : « Il me manque trois voix, Ricardo, tout me manque », qui s’appliquent toujours avec le même succès aux ambitieux en mal d’élection.

Il est aisé de comprendre qu’avec la Réforme, les rivalités religieuses, la division de l’Allemagne en deux camps (le luthérien et le catholique), le coup de grâce ait été porté à l’unité et à la puissance de l’Allemagne. Suivant son principe bien établi (« tenir sous main les affaires d’Allemagne en la plus grande difficulté qu’on pourra », disait alors Marillac, le négociateur de confiance du roi Henri II), la monarchie française s’empressa de profiter de cette heureuse conjoncture. Elle était au plus âpre de sa lutte contre l’Empereur lorsqu’elle trouva des alliés dans la personne des princes protestants. D’eux-mêmes, ceux-ci s’étaient tournés vers le roi de France, avaient sollicité son appui contre l’Empereur, qui voulait, disaient-ils, — car tel était leur langage républicain, — « asservir à jamais la nation allemande ». Une si belle occasion ne fut pas perdue. Le traité de Chambord fut conclu sur-le-champ avec la ligue luthérienne. Ce traité portait pour titre, et ce titre était tout un programme, pro germaniæ patriæ libertate recuperanda, « pour la restauration de la liberté germanique », liberté dont le roi de France devint dès lors le protecteur officiel. Des grands comme Maurice de Saxe, des villes libres comme Strasbourg et Nuremberg étaient partie au traité. Le roi de France s’engageait à soutenir les confédérés contre l’Empereur, à leur fournir des subsides. Eux, en échange, lui abandonnaient Metz, Toul et Verdun. Le traité signé, forte de cette alliance, la ligue luthérienne imposait quelques mois plus tard à l’Empereur la transaction de Passau par laquelle Charles-Quint s’engageait à ne pas reconstituer de « royaume d’Allemagne ».

C’est le modèle des opérations économiques et à risques limités par lesquelles la monarchie française parvint à conjurer le