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LES CAPÉTIENS ET L’ANARCHIE ALLEMANDE

pour rival François Ier. Tous deux rois de droit divin, l’un en France, l’autre en Espagne, ces preux, ces fleurs de chevalerie ne luttèrent pas pour la couronne impériale par d’autres moyens qu’un vétérinaire et un avocat concurrents au même siège dans une de nos circonscriptions rurales. Le roi de France se présentait en ces termes et faisait cette déclaration de candidature dans un manifeste rédigé par le cardinal Duprat : « … Le Roi est largement comblé des biens de l’esprit, du corps et de la fortune, en pleine jeunesse, en pleine vigueur, généreux et, par suite, cher aux soldats, capable de supporter les veilles, le froid, la faim… Quant au roi catholique, fault considérer son jeune âge et que ses royaumes sont lointains de l’Empire, en sorte que ne lui viendrait à main d’avoir le soing et cure de l’un et des autres… Et avec ce, les mœurs et façons de vivre d’Espaignols ne sont conformes, ains totalement contraires à celles d’Allemands. Au contraire, la nation française, quasi en tout, se conforme en celle d’Allemagne, aussi en est-elle issue et venue, c’est assavoir de Sicambres, comme les historiographes anciens récitent… »

À quoi le Habsbourg répondait que, « s’il n’était de la vraie race et origine de la nation germanique », il n’aspirerait pas à l’Empire. Il promettait que, s’il était élu, la liberté germanique « tant en spirituel que temporel ne serait seulement conservée mais augmentée ». Au lieu que, « si le roi de France était empereur, il voudrait tenir les Allemands en telle subjection comme il faisait les Français et les tailler à son plaisir ». Chose curieuse, de voir l’absolutisme, l’« ancien régime » servir d’argument à Charles-Quint contre François Ier, comme à un candidat radical contre un candidat réactionnaire. Pour ajouter à la ressemblance, il y eut un désistement, celui de Frédéric de Saxe, dont les voix passèrent à Charles. Son élection ne lui en avait pas moins coûté cher : un million de ducats, pour lesquels il dut s’endetter. Et dans son drame d’Hernani, Victor Hugo, qui eut quelquefois de ces intuitions de l’histoire, a fait du roi d’Espagne le type du