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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

rassurer quand il vit Othon, ce qui ne tarda guère, rouvrir l’éternel conflit du Sacerdoce et de l’Empire, entrer en lutte avec la papauté, et, à peine couronné, envahir le patrimoine de Saint-Pierre. Alors Innocent III reconnut que Philippe Auguste avait eu raison, que le roi de France avait été bon prophète, et il réclama son assistance. Le Capétien était peu disposé à dégarnir son armée : il se contenta d’assurer la curie romaine qu’il était d’accord avec elle, et, dès lors, les deux diplomaties s’appuyèrent. Contre Othon excommunié, Rome et Paris eurent le même candidat à l’Empire : Frédéric, un Hohenstaufen, il est vrai, mais jugé inoffensif à cause de son jeune âge. Et c’est à Bouvines que se joua la partie décisive, Othon ayant compris qu’il importait d’abattre Philippe Auguste pour ruiner son rival et pour atteindre Innocent III. Au moment de livrer cette bataille qui décidait du sort de son royaume, le Capétien, de son côté, ne négligeait pas la force que lui apportait son alliance avec le Saint-Siège. Il s’en recommandait hautement auprès de ses vassaux, prenait soin de troubler l’adversaire en se proclamant champion de l’Église et de la foi. La victoire fit tomber entre ses mains l’aigle d’or et le dragon, symboles de l’Empire. Il les envoya à Frédéric dont la défaite d’Othon fit un Empereur, mais l’Empereur le plus soumis à Rome, le plus limité dans son pouvoir que l’on eût encore vu. La victoire de Bouvines, fruit d’une habile diplomatie, libérait la France. Elle marquait aussi l’entrée de la monarchie française dans la grande politique européenne.

Innocent III et Philippe Auguste l’avaient emporté en même temps. Une coalition franco-romaine avait brisé la puissance impériale. Ainsi naissait de l’expérience un principe d’équilibre européen, tout à l’avantage de la nation française et qui ne devait pas cesser, à travers les siècles, de prouver sa bienfaisance. Rome et la France étaient réunies par un même intérêt contre une Allemagne trop forte. Et ce qui était vrai au XIIIe siècle l’est resté au XIXe. Sedan fait la contre-partie de Bouvines. On a vu, quand le pouvoir pontifical fut tombé, le roi de France