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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

française, qu’il importait d’arrêter net l’ambition des Hohenstaufen. À Paris et à Rome, on opta pour le statu quo ; en Allemagne, la prudence commanda de s’opposer à la grande transformation politique rêvée par l’Empereur. Une rencontre devait naturellement se produire, une alliance se nouer entre ces deux intérêts identiques. Ainsi naissait une communauté de vues destinée à durer à travers les siècles, malgré les accidents, les passions, les malentendus, les circonstances aussi, qui ont pu quelquefois séparer Rome de la France, sans jamais briser complètement un lien formé par la nature des choses et les nécessités de la politique.

Derrière cet effort des Hohenstaufen pour acquérir l’hérédité, il n’y avait rien d’autre, en somme, que le dessein d’achever le royaume d’Allemagne. C’était la question de l’unité allemande qui se posait à l’Europe du moyen âge, comme elle s’est posée à l’Europe de la Renaissance et à l’Europe contemporaine. C’était le péril de la puissance germanique grandie à l’excès qui effrayait déjà les esprits politiques. Aussi les résistances qui vinrent du dehors au projet impérial posèrent-elles un principe en perpétuant et en aggravant la division et l’anarchie de l’Allemagne. Ce fut, dès ce moment, l’intervention de l’étranger, ce furent les combinaisons de la diplomatie qui maintinrent « les Allemagnes » dans l’état de particularisme où les avait introduites le morcellement féodal, état singulièrement aggravé par le régime de la monarchie élective, en sorte que, dès le moyen âge, dès avant le grand Interrègne, l’Allemagne répondait à la définition qu’en donnait plus tard Frédéric II : « Une noble République de princes. » Car si l’Allemagne — de même que l’Italie — est restée si longtemps émiettée, ce n’est pas qu’une mystérieuse fatalité l’ait voulu. Il n’est pas moins faux d’accuser la configuration du sol, le caractère des peuples. Ces sortes de prédestinations sont purement imaginaires. L’Allemagne, l’Italie ont prouvé depuis quarante ans que l’unité était dans leur nature autant que le particularisme. L’Italie a des limites aussi