Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’elle a choisie en 1914. Ce fut en 1909, à propos des affaires d’Orient, que, pour la première fois, Guillaume II prit une attitude nettement belliqueuse. Pourquoi cela ?

Révolution turque de 1908, annexion définitive de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche, protestation de la Russie, mouvement général du slavisme contre la poussée du monde germanique vers l’Orient : l’enchaînement des causes est certain. Mais il faut remonter plus haut, comprendre que l’Allemagne, au Congrès de Berlin, en faisant attribuer la Bosnie à l’Autriche pour acquérir son alliance, en lui accordant une compensation à sa défaite de 1866, s’était engagée pour l’avenir. Cette compensation, il fallait la garantir à l’Autriche, sous peine de voir celle-ci aspirer à reprendre un rôle dans le monde germanique d’où elle avait été expulsée après Sadowa. Or, dans l’entre-temps, les peuples balkaniques s’étaient définitivement éveillés à l’existence. Comme l’avaient prévu, après Proudhon, quelques esprits pénétrants, le principe des nationalités, propagé dans l’Europe orientale, y produisait les mêmes bouleversements qu’il avait produits dans l’Europe centrale. Et la Russie se trouvait derrière la Serbie comme Napoléon III s’était trouvé derrière le Piémont… Conflits d’idées, de sentiments, d’intérêts, tout faisait glisser l’Europe vers la guerre. À l’ultimatum allemand de 1909, lui enjoignant de reconnaître l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche, la Russie avait pu céder. Eût-elle cédé encore à l’ultimatum de 1914, l’Allemagne eût-elle remporté un nouveau succès de sa politique d’intimidation en obtenant que la Russie permît à l’Autriche d’écraser les Serbes, que la même situation se fût reproduite tôt ou tard. Un jour devait venir où une résistance profonde, commandée par l’instinct de conservation, serait opposée à une nouvelle exigence de l’Allemagne, sous peine pour l’Europe de subir la loi du monde germanique.

Malgré la puissance de ses armées, la plus redoutable machine de guerre que le monde ait vue, malgré sa préparation et son