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un caractère purement défensif, ce qui n’empêchait pas que l’Allemagne se plaignît d’être « encerclée ». De là, chez elle, des armements croissants, un effort plus grand chaque fois qu’un événement nouveau, survenant dans la situation politique, semblait propre à diminuer son prestige en Europe. De son côté, la Triple-Entente, à regret le plus souvent, avec lenteur et avec retard, devait se mettre à égalité avec l’Empire allemand. Cet équilibre imparfait ne pouvait se terminer que par la guerre.

Ainsi la Triple-Entente n’a fait que suivre les impulsions venues de Berlin. Elle n’a fait que répliquer — toujours d’ailleurs, avec insuffisance, — aux mesures prises par l’Allemagne. Elle est restée fidèle au principe qui avait présidé à ses origines : le principe de résistance, le principe de non-acceptation, en réponse à la volonté expresse de l’Allemagne de dominer toujours par la puissance de ses armes, d’imposer sa volonté en intimidant l’Europe. La provocation ne pouvait pas partir du groupe formé par l’Angleterre, la France et la Russie. Mais l’obstacle que ce groupe opposait à l’hégémonie allemande, les efforts croissants auxquels il obligeait l’Empire, irritaient celui-ci. Dix fois l’Allemagne tenta de dissocier la Triple-Entente. En dépit de ses hésitations, de ses faiblesses, de ses lacunes, la Triple-Entente a duré. Plus l’Allemagne s’armait, se montrait menaçante et provocante, plus aussi la Triple-Entente se resserrait. Le jour devait venir où l’Allemagne tenterait de la briser. Ainsi, ce qui était fait pour conserver la paix se transforma en principe de guerre. Telle était encore une des fatalités vers lesquelles, depuis 1871, l’Europe marchait.

Un État où tout est né de la guerre et fait pour la guerre, dont la guerre est « l’industrie nationale », n’en court pourtant pas le grand risque sans qu’un ensemble de circonstances se soit produit qui l’y ait déterminé. L’Allemagne a peut-être laissé passer pour sa guerre préventive contre la Russie, sa guerre d’agression contre la France, des occasions meilleures que celle