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aurait dû s’armer, se préparer davantage pour résister à l’agression de l’Allemagne. Son grand titre de gloire, c’est qu’elle n’aura pas renoncé. Elle a assumé les sacrifices nécessaires. En 1914, elle a relevé le défi de l’Allemagne. Elle a fourni un effort, montré une persévérance qu’admirera l’histoire, une énergie qui fait honneur aux ressources de la race. Nous pouvons le dire hautement : aucun autre pays que la France n’était capable de cela. Quel n’eût pas été notre destin si, chez nous, la prévoyance eût été égale au courage, si le cerveau de l’État eût été aussi bon que le cœur des citoyens ?

Quelques années avant 1914, il était devenu opportun de reprendre l’image fameuse de Prévost-Paradol avant 1870. Les deux locomotives lancées sur la même voie à la rencontre l’une de l’autre, et dont Prévost-Paradol avait parlé à la fin du Second Empire, ce n’était plus seulement la France et la Prusse : c’était le monde germanique d’un côté, la Triple-Entente de l’autre. Un lieu commun, développé dans des discours et dans des journaux innombrables, a permis de soutenir jusqu’au jour de la déclaration de la guerre que la Triplice et la Triple-Entente avaient reconstitué l’équilibre de l’Europe, que les deux systèmes d’alliances se faisaient contrepoids, que le risque de guerre était par là-même écarté. Sans doute la France, la Russie, l’Angleterre, oubliant ce qui les avait séparées, avaient fini par s’unir contre le péril commun. Encore subsistait-il un doute sur la décision que prendrait l’Angleterre, qui, répugnant aux engagement précis, n’intervint en effet que le jour où la Belgique eut été envahie. Peut-être Guillaume II, qui, jusqu’à la vingt-cinquième année de son règne, s’était vanté d’être « l’empereur de la paix », n’eût-il pas jeté les « dés de fer » s’il n’avait cru que l’Angleterre resterait neutre. Encore n’est-ce pas certain. Il est sûr, en revanche, que la Triple-Entente avait