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caché, accepta cette solution avec plaisir. Même il s’est vanté d’avoir, à plusieurs dates critiques de nos luttes intérieures, « mis les choses en scène à Berlin ». La monarchie des Hohenzollern rendait à la France ce que les Capétiens avaient fait autrefois à l’Allemagne. Elle voyait chez nous avec faveur des institutions qui étaient le contraire des siennes. Et, quant à l’attitude à prendre à l’égard des affaires de France, Bismarck donnait à son maître le même conseil que Pierre Dubois avait donné à Philippe le Bel et Marillac à Henri II pour les affaires d’Allemagne.

Tandis que la France agitait la question de savoir si elle serait monarchie ou république, la terre continuait de tourner, les problèmes européens de se poser. L’unité italienne, l’unité allemande accomplies, le repos n’était pas acquis pour l’Europe. La question d’Orient, qui ne cessait de grandir et de s’impliquer plus dangereusement dans les affaires européennes depuis le XVIIIe siècle, se développait encore et sous des formes plus aiguës. Comme l’avait prévu Proudhon, de nouvelles nationalités aspiraient à prendre leur place au soleil, revendiquaient leur droit à l’indépendance et à la vie. Des peuples aussi négligés autrefois que peuvent l’être aujourd’hui des tribus asiatiques (qu’on se souvienne de ce que les Bulgares étaient pour Voltaire) prenaient conscience d’eux-mêmes. La conception des races s’étendait aux confins du monde européen. L’idée slave devenait un ferment semblable à ce qu’avait été l’idée germanique dans la période antérieure. Ce devait être l’origine de nouveaux et vastes conflits envenimés par les rivalités européennes.

La guerre russo-turque, la grande guerre nationale de la Russie, la guerre pour la délivrance des frères slaves opprimés, se termina par le Congrès de Berlin, théâtre des plus subtiles intrigues de Bismarck. La France, représentée à ce Congrès de