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Vaincue et meurtrie, la France de 1871 avait pourtant pensé un moment à la monarchie comme à l’instrument ancien et éprouvé du relèvement national. La déception était immense et le peuple français venait d’être éveillé de son rêve par des coups cruels. L’invasion, deux provinces perdues, plus d’un million de Français arrachés à la patrie, une monarchie autoritaire et militaire mettant la main sur l’Allemagne, et l’Allemagne acceptant l’hégémonie prussienne : c’était donc cela, c’était cette faillite qu’avait apportée la politique fondée sur les principes de la Révolution, la cause des peuples et la propagande des idées libérales ! Alors, le peuple français, revenu de ses illusions, renoncera à toute grande action extérieure, se repliera sur lui-même, se vouera à sa réorganisation intérieure. Une nouvelle ère, une nouvelle expérience commenceront pour lui.

Au cours des années qui ont immédiatement suivi le traité de Francfort, on peut dire que la démocratie a véritablement fait son examen de conscience. Il est vrai qu’elle ne l’a pas conclu en reconnaissant ses erreurs. Oubliant le mandat impératif qu’elle avait donné à Napoléon III, les approbations répétées qu’elle avait apportées à sa politique, elle fit retomber toutes les responsabilités du désastre sur le « pouvoir personnel ». Les monarchistes eux-mêmes, à l’Assemblée Nationale, furent en grand nombre convaincus que le pouvoir personnel avait été la cause de nos malheurs. C’est le sentiment qu’exprimait le duc d’Audiffret-Pasquier lorsqu’il disait : « Nous ramènerons le roi ficelé comme un saucisson. » Le résultat fut qu’il n’y eut pas de roi du tout, ni « ficelé », ni autrement. C’est essentiellement sur cette idée qu’échoua la restauration de la monarchie. Le régime républicain parlementaire, la démocratie intégrale eurent des lors partie gagnée, et Bismarck, il ne s’en est pas