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disant à ses membres d’entrer dans la guerre les uns sans les autres ; c’était exactement le contraire du pacte de Londres, signé en septembre 1914. Gladstone et le parti libéral, qui gouvernaient la Grande-Bretagne, ont assumé alors une lourde responsabilité envers leur pays. En laissant naître l’Empire allemand, ces pacifistes ont préparé pour l’avenir une guerre à laquelle leurs successeurs se sont vus contraints de faire face. Car c’est encore par un de ces retours des choses d’ici-bas dont l’histoire est coutumière, que l’Angleterre a dû déclarer la guerre à l’Allemagne en 1914 et que d’autres libéraux n’ont pu échapper à la nécessité de lancer ce défi.

L’Angleterre de ce temps ne fut pas, entre les puissances, la seule à prendre sa liberté. On n’a jamais déchiré tant de traités, renié à la fois tant de signatures qu’en 1870. L’Italie, entrant à Rome, tenait pour non avenue la convention de septembre. La Russie, effaçant les résultats de la guerre de Crimée, provoquait une révision du traité de Paris. De toutes parts, on s’affranchissait des obligations et des contrats. On a pu citer beaucoup d’aphorismes bismarckiens sur le droit et sur la force. Mais qui donc était le ministre qui affirmait alors que « le droit écrit fondé sur les traités n’avait pas conservé la même sanction morale qu’il avait pu avoir en d’autres temps » ? C’était Gortschakof, c’était le chancelier de l’Empire russe.

Le duc de Broglie a raconté que, lorsqu’il fut délégué par Jules Favre à la conférence de Londres, il partit avec un espoir et une ambition : recommencer l’œuvre de Talleyrand à Vienne, rendre à la France par la diplomatie ce qu’elle avait perdu par les armes. Il fut vite détrompé. La conférence internationale exclut de ses travaux les questions qui concernaient la France et l’Allemagne. Les temps avaient changé depuis 1815. Les circonstances aussi. Et le duc de Broglie, jusque-là beaucoup plus libéral que royaliste, regretta de n’avoir pas eu derrière lui un Louis XVIII, comme Talleyrand.