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rempli. Jamais la démocratie française n’a eu de plus fidèle serviteur de ses volontés.


Une partie des républicains doctrinaires de 1848 avait pu bouder Napoléon, après avoir conseillé au peuple d’élever contre lui des barricades. Le grand reproche qu’ils adressaient à l’homme du Deux-Décembre, à celui qui avait étranglé la liberté, s’affaiblit à mesure que l’Empereur acheva ce qui, dans le programme de la démocratie, tenait le plus au cœur des Français, ce qui représentait l’essentiel de la doctrine. La situation de Victor Hugo, dans son exil volontaire, devint ridicule, lorsque, d’année en année, on vit s’accomplir les vœux du romantisme pour l’affranchissement des peuples, œuvre à laquelle l’Empire se dévouait. Ce que Hugo avait chanté, Napoléon III en faisait du réel. La lutte contre les puissances de réaction et l’évangile de la libération européenne formaient encore le sujet d’un poème célèbre des Châtiments, comme ils avaient inspiré les chansons de Béranger, cent pages ardentes de Quinet et de Michelet. Cette lutte fut engagée par le Second Empire qui acceptait ce que la deuxième République n’avait osé entreprendre. Le système de Napoléon III fut d’ailleurs celui d’une balance équilibrée avec adresse. Au dedans, en faisant respecter l’ordre, la religion, la propriété, il donnait satisfaction aux conservateurs. Au dehors, par sa politique des nationalités, il comblait les vœux des démocrates. Ainsi sa position devant le suffrage universel était singulièrement forte. Plus tard, avec l’Empire libéral, il cherchera à renverser les termes de l’équation. Mais l’impulsion était donnée, les premiers résultats acquis et les conséquences ne pouvaient plus être retenues. En essayant de revenir en arrière, l’Empire précipitera seulement la catastrophe…

On a dit que le caractère de Napoléon III était indécis. Dans sa volonté de mener jusqu’au bout la politique des nationalités, il a montré pourtant, jusqu’en 1866, une résolution