Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/134

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cés. Le tsar lui-même fléchissait dans son opposition à la monarchie de Juillet. Comme on l’a écrit, la France, aux premiers jours de 1848, « avait reconquis la faculté de faire au dehors de la grande politique ».

C’est alors qu’éclate une révolution nouvelle, une révolution qui demande autant de « réformes » au dehors qu’au dedans, qui s’insurge autant contre la politique extérieure que contre la politique intérieure, qui proclame le droit des peuples bien plus même que le droit du peuple français, révolution qui est internationale, qui est allemande, qui est italienne, qui est polonaise, quoiqu’elle éclate à Paris, et qui affirme son caractère et sa volonté en commençant sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères, boulevard des Capucines, aux cris de : Vive la Pologne ! et de : Vive l’Italie ! pour protester contre la politique de Louis-Philippe et de Guizot. Cette révolution se faisait en apparence contre les partisans du suffrage restreint, suffrage ni plus éclairé ni plus désintéressé que le suffrage universel, certainement moins souple et moins docile, on venait d’en faire l’expérience. Elle s’est faite en réalité contre ce que Carrel avait appelé « l’impertinent et lâche système qui proclamait l’égoïsme politique de la France ». L’opposition, après avoir reproché à Louis-Philippe ses efforts pour maintenir la paix, l’accusait de trahir en Europe la cause de la France, liée à celle de la liberté et des nationalités. C’est par les journalistes, par les orateurs, que l’opinion avait été excitée. De la tribune du parlement, où ces reproches n’étaient qu’un prétexte, ils avaient passé dans la foule. Ils furent consubstantiels à l’insurrection, et l’exploitation de l’idéalisme révolutionnaire par la bourgeoisie libérale porta, à ce moment, ses fruits les plus singuliers. Lamartine, plaidant contre Guizot la cause des peuples, était sincère. Comment Thiers l’eût-il été ? Thiers, dans sa lutte avec Guizot, s’était fait l’avocat du principe des nationalités dont il sera l’adversaire dix ans plus tard, lorsqu’il s’agira de combattre l’Empire. Dans le discours qu’il prononçait sur les affaires étran-