étaient les mêmes, pourtant, que celles de l’étudiant. Les superbes doctrinaires méprisaient profondément — après avoir accepté leur concours en 1830 — les émeutiers, les dresseurs de barricades, les petits journalistes républicains. Ils partageaient les mêmes erreurs. Haut sur sa cravate, un Duvergier de Hauranne, dans un livre qui fit du bruit en son temps, La Politique extérieure de la France, faisait écho à Carrel et à Marrast, demandait comme eux que la France prêtât « partout appui aux peuples contre les gouvernements », prît en Europe la direction « du grand mouvement révolutionnaire et libéral » dont elle était « la tête et le cœur ». C’est contre cette politique-là que Louis-Philippe, pendant dix-huit ans, s’est épuisé à lutter, à faire prévaloir ses vues sages et pénétrantes sur la situation de la France en Europe et sur la tâche qu’il y avait à remplir pour maintenir l’équilibre en résistant à la poussée des nationalités au lieu de la favoriser. Telle fut sa fameuse politique personnelle, pour laquelle il fut incessamment harcelé.
L’exploitation de la politique extérieure par des théoriciens dont l’amour-propre eût mis le feu au monde, ou par des ambitieux qui eussent établi leur gloire jusque sur les ruines de la patrie, c’est le scandale du parlementarisme sous la monarchie de Juillet. Ce qu’on avait vu sous Charles X fut singulièrement aggravé. À cet égard, on doit considérer avec attention la carrière de Thiers durant le règne de Louis-Philippe. Thiers n’était pas un doctrinaire, mais un esprit prompt à varier, avide de gloire et de succès. Intelligence d’ailleurs merveilleusement lucide, propre à tout comprendre, à tout exécuter, le mauvais comme le bon. En 1836, à son entrée aux affaires, l’accord avec l’Autriche, la politique conservatrice, l’entente avec les puissances continentales étaient à l’ordre du jour. Thiers approuva cette politique, en fit sa chose. Louis-Philippe projetait, pour consacrer sa pensée bourbonienne, de donner une archiduchesse d’Autriche pour femme au duc d’Orléans. Ce projet du roi devint plus précieux à Thiers qu’au roi et aux jeunes princes eux-mêmes,