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Le libéralisme du XIXe siècle croyait posséder le moyen de fonder la paix et la fraternité universelles. Il se figurait que la formation des nationalités serait la préface de la République européenne. Les résultats obtenus sont dérisoires. Ils font regretter le passé. Nous voyons aujourd’hui que les traités de 1815 avaient institué en Europe un ordre de choses qui garantissait la paix mieux que la conférence de La Haye n’a jamais pu le faire. S’appuyant sur les principes de légitimité et d’équilibre introduits par la France dans le droit public de l’Europe, les auteurs des traités de 1815 avaient déclaré que désormais tout agrandissement d’un État aux dépens d’un autre était interdit. Quiconque attenterait à l’équilibre établi serait réputé révolutionnaire et perturbateur de l’ordre européen, au même titre que Napoléon, et s’exposerait à voir l’Europe se coaliser contre lui. Une gendarmerie internationale a cruellement manqué à la France et à l’Europe en 1870. Cette gendarmerie, les traités de 1815, restaurateurs du principe d’équilibre proclamé en 1648, l’avaient organisée. Et c’est simplement à 1815 et à 1648 que tend à revenir la coalition qui s’est formée en 1914 contre l’Empire allemand. L’équilibre européen du XIXe siècle était défini par Gentz, le publiciste de la Sainte-Alliance, de telle manière que l’on croirait entendre ce qui, aujourd’hui, est encore un simple vœu à la Société des Nations :

« La meilleure garantie de la tranquillité générale est la volonté ferme de chaque puissance de respecter les droits de ses voisins et la résolution bien prononcée de toutes de faire cause commune contre celle qui, méconnaissant ce principe, franchirait les bornes que lui prescrit un système politique revêtu de la sanction universelle. » (Projet d’une déclaration finale des huit puissances qui ont signé l’acte final du Congrès de Vienne.)

C’est en vertu des traités de 1815 que l’exécution fédérale fut prononcée en 1866 contre la Prusse. Si la France avait alors contribué à faire respecter le pacte de 1815, Bismarck, traité comme Napoléon, se fût trouvé arrêté dans ses conquêtes. Et la