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France, au lendemain de la guerre de 1870, concluant avec la Saxe, la Bavière et le Wurtemberg un traité d’alliance contre la Prusse ? Se représente-t-on quelle force morale nous aurait procurée ce pacte, quelle confiance nous aurait rendue cette revanche diplomatique de nos défaites militaires ? C’est d’un bienfait de ce genre que la France de 1814 a été redevable à Talleyrand », et à Louis XVIII, qui a dirigé avec clairvoyance toutes les négociations de Vienne, comme en fait foi sa correspondance. Répétons qu’il est affligeant pour la renommée d’un peuple aussi intelligent que le peuple français, dont chaque citoyen est richement doué de bon sens, clairvoyant en ce qui regarde ses intérêts privés, qu’il ait fallu un troisième désastre pour qu’il commençât à comprendre, et encore dans son élite seulement, ce qui avait été fait en 1815 pour réparer les erreurs et les folies d’une génération.

Le plus grand résultat, le plus utile que Louis XVIII eût obtenu, c’était d’empêcher que la part prise par la Prusse à la défaite de l’Empire napoléonien n’aboutît à la formation d’une grande Allemagne. En prenant parti pour la Saxe, au nom du principe de légitimité, habilement retourné contre les alliés, à qui il avait servi de prétexte contre la France révolutionnaire et napoléonienne, le roi de France avait retrouvé du même coup la haute situation européenne de ses prédécesseurs. Il était apparu comme le protecteur et le syndic des États moyens ou petits, il avait tout de suite groupé autour de lui une clientèle et des alliés, reconstitué l’ancien système diplomatique de la France. Ayant éventé l’ambition de la Prusse, le Bourbon réussit à déjouer les desseins du Hohenzollern. Grâce à lui, quand il s’agit de donner un statut à l’Allemagne, le principe de l’indépendance et de la souveraineté des États germaniques, établi par les traités de Westphalie, fut ratifié à Vienne. C’est-à-dire que l’Allemagne — chose essentielle — resta divisée. Malheureusement, il n’était plus possible de revenir sur les simplifications et les agglomérations opérées en 1803 et en 1806. Au lieu de