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Toute la politique de la monarchie avait tendu à diviser l’Allemagne et à la maintenir dans une dispersion anarchique. De la mosaïque, la Révolution et l’Empire rassemblèrent les morceaux. Les révolutionnaires, et Napoléon, leur frère en esprit, s’offusquaient de la confusion créée par les traités de Westphalie. Cette confusion, admirée par Oxenstiern, leur parut hideuse, choqua leur manie de l’unité. Dans les libertés germaniques, dans la bigarrure des principautés et des villes libres, ils virent des survivances féodales, odieuses. « Nous ne comprenons rien aux intérêts du Corps germanique, disait Sieyès au Prussien Gervinus ; c’est un chaos qui ne nous présente pas une idée nette et juste. » Surtout Sieyès ne comprenait pas que ce chaos avait été conçu dans l’intérêt de la France et pour le repos de l’Europe. Le fameux fabricateur de Constitutions n’eut de cesse qu’il n’eût mis sur pied un nouveau plan de l’Allemagne, élaboré « une fédération nouvelle, constituée plus sainement et plus vigoureusement que celle que le hasard avait formée dans les siècles gothiques ». Pour que Sieyès attribuât au « hasard » l’œuvre très réfléchie de Richelieu et des politiques du XVIIe siècle, il fallait que ces « grandes traditions » auxquelles on se vantait d’être retourné fussent singulièrement méconnues. En effet, Sieyès défaisait avec conscience tout ce que les traités de Westphalie avaient établi. Il unissait ce qu’ils avaient divisé. Il annonçait surtout la politique qui devait être celle des Napoléons, la politique des « grandes agglomérations », dont la Convention et le Directoire avaient été les bases en achetant l’extension territoriale de la France sur le Rhin au prix de « compensations » données aux principales puissances germaniques. Cette politique précipitait les étapes, mettait les bouchées doubles. Elle annexait, mais trop vite, d’une façon précaire, imprudente et coûteuse, sans calculer les contre-coups de l’opération. Tout ce que l’expérience avait déconseillé à la diplomatie de l’ancien régime, la diplomatie du régime nouveau le reprenait comme des inventions de son