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détacher de la coalition. Le Comité de Salut public envoyait ces instructions à Barthélemy pour la paix de Bâle : « Il est temps que l’Allemagne soit délivrée de l’oppression de l’Autriche et que cette maison, dont l’ambition, depuis trois siècles, a été le fléau de l’Europe, cesse d’en troubler le repos. En méditant bien l’état de l’Europe, tu auras sûrement reconnu que la Prusse et la France doivent se réunir contre l’ennemi commun. C’est le but principal de la négociation, celui auquel tu dois tendre. » Avec plus de naïveté encore, dans une autre circonstance, le Comité avait dit : « Nous persistons à vouloir que le premier allié de la plus puissante République du monde soit le plus puissant monarque de l’Europe. » Et si le roi de Prusse refuse, s’il s’obstine, qu’il prenne garde : on le brisera. Napoléon se flattera un jour d’exécuter la menace.

Avant d’épouser une Habsbourg, Napoléon, continuateur et surtout réalisateur des idées révolutionnaires, avait montré dans toute sa force le préjugé anti-autrichien. Le maître qu’eut la France au début du XIXe siècle avait formé son esprit dans les dernières années de l’ancien régime. L’ardeur que le goût de l’opposition et des nouveautés communique à la jeunesse a marqué de son feu la politique de l’homme mûr. Napoléon qui, en Égypte, avait emporté Raynal parmi ses auteurs favoris, a été animé, à l’égard de l’Autriche, de la même pensée que Brissot en 1792. C’est lui qui a prononcé un jour ce mot singulier, si grave : « La Révolution devait venger la Prusse de la guerre de Sept Ans soutenue par Frédéric contre la monstrueuse alliance de la France et de l’Autriche. » Après Austerlitz, l’Autriche étant vaincue, la popularité de Napoléon en France fut à l’apogée. Le peuple français crut que la vieille œuvre nationale, l’œuvre entreprise sous François Ier, avait reçu son achèvement. De cette victoire, des émigrés firent dater leur ralliement à l’Empereur. Ce devait être pour Las-Cases l’origine d’un dévouement légendaire. Et Napoléon lui-même savait bien ce qu’il avait fait en dirigeant ses coups contre l’Autriche, en refusant d’écouter