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intégrale du traité par la contrainte au besoin, les autres moyens ayant échoué, tandis que les Allemands, alléguant le désordre de leurs finances, suspendaient une à une toutes leurs prestations. Après tant d’expériences qui n’avaient pas réussi, il ne restait qu’un système à essayer, celui des gages. On avait déjà pensé au bassin de la Ruhr, une des régions minières et industrielles les plus riches de l’Allemagne. Les manquements répétés et volontaires de l’Allemagne à ses engagements ayant été constatés, selon les règles du traité de Versailles, par la Commission des Réparations, le gouvernement français, de concert avec la Belgique, prit la solution d’occuper la Ruhr. Le 11 janvier 1923, sans coup férir, les troupes françaises entraient à Essen. Ainsi le traité de paix n’avait rien terminé par sa propre vertu. Il exige encore de nous des efforts et notre compte avec l’Allemagne est loin d’être réglé. Les travaux continuent avec les jours et les jours des peuples sont longs.

Nous touchons ici au point où doit se terminer cette histoire. À mesure qu’on approche du temps même où nous vivons, les grandes lignes se dérobent. Elles ne se dégageront qu’avec la suite, qui nous manque encore. Il est probable que l'occupation de la Ruhr sera le point culminant duquel découleront les événements futurs. Que cherche la France depuis que la paix est conclue ? Sa sécurité, des garanties contre une revanche possible de l’Allemagne. Elle cherche aussi les réparations qui lui ont été promises et sans lesquelles le rétablissement de sa prospérité est incertain. Dans cette tâche, elle rencontre la résistance de l’Allemagne et elle est contrariée par l’Angleterre. Les deux forces extérieures contre lesquelles la France, au cours des siècles, a dû si souvent défendre son indépendance ou entre lesquelles il lui a fallu se frayer un chemin, se trouvent donc, dans une certaine mesure, réunies contre elle. La France a déclaré qu’elle n’évacuerait ni la Ruhr ni la rive gauche du Rhin tant que l’Allemagne n’aurait pas rempli ses engagements. La question est de savoir si une pression extérieure ou un changement d’orientation à l’intérieur ne fera pas renoncer à cette résolution. Ici, c'est l'inconnu. Il n'y a qu'un nuage devant nous.

Tout ce qu’on peut discerner, à la lueur des événements les