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nental était assuré. Elle était libre de songer à l’achèvement de son unité territoriale et aussi à son expansion maritime : politique dont le Pacte de Famille, formé plus tard avec les Bourbons d’Italie et d’Espagne, devait être l’expression. Sur le principe intangible des traités de Westphalie, « base nécessaire de la tranquillité publique », Louis XIV conçut une politique nouvelle. La rivalité avec la maison d’Autriche n’ayant plus d’objet, il voulut rendre impossible le retour de querelles et de guerres désormais stériles pour la France. Un rapprochement entre les deux puissances aurait pour avantage de consolider les résultats acquis. La maison d’Autriche, prenant son parti de ne plus dominer en Allemagne, devenait intéressée à ce qu’aucune autre puissance germanique n’y dominât à son tour. Abaissée, diminuée, assagie par conséquent et incapable de nuire, elle passait au rang d’élément conservateur et modérateur. Tout en restant convaincu de la nécessité de prévenir et d’arrêter au besoin par la force un retour aux anciennes idées de suprématie européenne si longtemps nourries par l’Autriche, Louis XIV voyait en elle une associée contre les nouvelles tendances qui se faisaient jour dans les pays allemands. Il continuait et il étendait le système de Richelieu : après les États catholiques allemands, c’était l’Autriche qu’il voulait faire entrer dans son alliance comme contre-poids aux États protestants qui, à la faveur des événements, avaient remarquablement grandi.

Les instructions que le comte du Luc reçut en janvier 1715, sept mois avant la mort de Louis XIV, développent ces vues avec ampleur. Il s’agit pour l’ambassadeur du roi, — le premier, on le souligne, qui s’en aille à Vienne en cette qualité, — de « former entre la maison de France et la maison d’Autriche une union aussi avantageuse à leurs intérêts qu’elle sera nécessaire au maintien du repos général de l’Europe ». Le comte du Luc représentera à l’Empereur que la France ne voit plus d’inconvénient à ce que la couronne impériale reste dans sa Maison et l’aidera même à ce qu’aucune puissance nouvelle ne s’en empare. Toujours sur ses gardes, la diplomatie royale distinguait en effet que, si les Hasbourg, vaincus et définitivement usés en Allemagne, n’avaient plus aucune chance d’y constituer une grande monarchie héréditaire, la même ambition pou-