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plus formidables de tous les temps. Par le déluge continuel de l’artillerie, par la furie des assauts, ce coin de France, de février jusqu’en août 1916, fut un enfer. Des centaines de milliers d’hommes s’y battirent et, là encore, les Français se sacrifièrent en masse.

L’échec des Allemands, qui leur coûta cher, les fit changer de méthode. Leurs « offensives de paix » commencèrent. Munis partout de gages, ils espéraient venir à bout des Alliés par la fatigue et se tirer d’affaire avantageusement. L’intervention de la Roumanie à la fin du mois d’août 1916 fut une diversion nouvelle qui, ajoutée à la résistance de Verdun et à une vigoureuse « réplique de Verdun » que les Alliés lancèrent sur la Somme, ranima l’espoir de l’Entente. Cependant la Roumanie fut écrasée en quelques semaines, tandis qu’une nouvelle difficulté naissait pour nous de la Grèce que nous devions surveiller et désarmer après le massacre, par trahison, de marins français au Zappeïon d’Athènes : moins d’un siècle après Navarin, quand la France s’était passionnée pour la liberté hellénique, ce guet-apens était son salaire.

Ainsi la guerre durait, se renouvelait sans cesse, détruisant toujours des vies humaines, engloutissant le capital de richesses accumulé par plusieurs générations. Sous cet effort monstrueux, bien des choses commençaient à fléchir en Europe. Lassitude, démoralisation, révolte, les phénomènes sur lesquels l’Allemagne comptait, qu’elle cherchait à produire, allaient se manifester en 1917 chez les Alliés avant de se manifester chez elle. Au point faible de l’Entente, en Russie, l’événement épié par l’Allemagne survenait ; la révolution, en renversant Nicolas II, nous privait d’un allié qui, malgré les incertitudes de son caractère, nous était resté fidèle. Et, le tsarisme disparu, la Russie tombait dans le chaos. Encore nationale à ses débuts, au mois de mars 1917, la révolution répandait l’indiscipline et décomposait rapidement l’armée russe qui cessait de compter pour l’Entente avant même que les bolcheviks, s’étant emparés du pouvoir, eussent signé la paix avec l’Allemagne. Quoi qu’on eût fait, dans les pays alliés, pour représenter les événements de Russie sous des couleurs favorables, ils eurent leur répercussion jusqu’en France. Des mutineries éclatèrent dans l’armée. En même temps se réveillait,