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la réponse serbe fut une acceptation sur tous les points, sauf un seul, qui pouvait d’ailleurs se régler par un arbitrage. Mais l’Autriche était résolue à écraser la Serbie et à en finir avec le péril slave qui menaçait de la dissocier. L’Allemagne était résolue à la guerre. Toutes deux repoussèrent la conférence européenne que l’Angleterre proposait. Le tribunal de La Haye fut pareillement récusé : les institutions internationales par lesquelles on avait voulu, depuis une vingtaine d’années, conjurer le péril qui approchait ne comptèrent pas une minute. Deux jours après la remise de l’ultimatum, l’Autriche déclarait la guerre à la Serbie. Dans l’espace d’une semaine, le mécanisme des alliances joua et une partie de l’Europe se jeta contre l’autre. Tout ce qui était contenu à grand-peine depuis 1871 fit explosion. Tout servit à agrandir le massacre au lieu de l’arrêter : forces accumulées par le système de la paix armée, richesses et ressources créées par de longues années de travail et de civilisation. L’équilibre des systèmes diplomatiques, la dépendance des intérêts, l’immensité même de la catastrophe que devait causer un pareil choc, ce qu’on avait cru propre à prévenir le grand conflit fut inutile. Les obstacles devinrent un aliment. La démocratie, le socialisme international n’empêchèrent rien. La guerre démocratique, de peuple à peuple, fut seulement « plus terrible », comme Mirabeau jadis l’avait prédit, et personne ne fut capable d’y mettre un terme par les moyens qui limitaient les guerres d’autrefois.

Dès le 15 juillet, la volonté de l’Allemagne avait rendu un retour en arrière impossible pour tout le monde. La mobilisation des uns entraînait celle des autres. L’Autriche ayant mobilisé toutes ses forces, la Russie mobilisait les siennes à son tour. Dans cette légitime mesure de précaution, l’Allemagne trouva le motif qu’elle cherchait. Le 1er août, elle déclare la guerre à la Russie, somme la France d’annoncer ses intentions et, comme le gouvernement français se contente de répondre que la France fera ce que ses intérêts commanderont, le gouvernement allemand invente que nous l’avons nous-mêmes attaqué. Le gouvernement de la République ne pouvait plus échapper au destin et il y eut quelque chose de tragique dans ses efforts de la dernière heure. Vainement le président Poincaré avait écrit au roi George pour l’avertir qu’un mot de l’Angleterre,