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les provinces. Aux élections de 1885, pour lesquelles le scrutin de liste avait été rétabli, deux cents députés de droite furent élus.

Comme au 16 mai, l’union des gauches se forma contre l’union des droites, mais elle eut pour effet de mettre le gouvernement dans la dépendance des radicaux. Ce furent eux qui désignèrent pour le ministère de la Guerre le général Boulanger. Ce militaire républicain, qui s’occupait de la réorganisation de l’armée et qui « relevait le pompon du soldat », devint rapidement populaire dans la population parisienne, en majorité radicale et patriote. Il fut acclamé à la revue du 14 juillet 1886 au point d’inspirer des alarmes aux républicains de gouvernement, tandis qu’il était en aversion à la droite pour avoir rayé des cadres les princes d’Orléans au moment où les aînés des familles ayant régné sur la France avaient été exilés. En même temps, Bismarck, qui travaillait sans cesse à accroître la puissance offensive de l’Allemagne, tirait prétexte de la popularité du général Boulanger pour obtenir du Reichstag des crédits militaires. Il soulevait des incidents diplomatiques dont le plus grave fut l’affaire Schnæbelé que Jules Grévy régla avec prudence et qui nous mit encore à deux doigts de la guerre. Boulanger apparut alors aux hommes du centre gauche comme un danger intérieur et extérieur. Mais ils ne purent se défaire de lui sans rompre avec les radicaux et sans se rapprocher de la droite dont la neutralité leur était indispensable pour conserver une majorité.

Par la campagne contre la politique coloniale qui nous rapprochait de l’Allemagne, contre les combinaisons « opportunistes », contre l’alliance des modérés avec la réaction, contre la Constitution « orléaniste » de 1875, les radicaux avaient eux-mêmes créé l’état d’esprit « boulangiste » qui conquit Paris et qui ne tarda pas à le dominer. Le gouvernement, pour éloigner Boulanger, l’avait nommé commandant de corps d’armée à Clermont : la foule parisienne voulut le retenir. Déjà il avait été proposé, quoique inéligible, à une élection partielle et il avait recueilli près de 40 000 voix. Il était devenu le chef d’une opposition, lorsque les radicaux le renièrent, s’apercevant qu’ils avaient eux-mêmes créé un syndic des mécontents, un aspirant au pouvoir personnel et à la dictature, un danger