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Jacobins et dont Clemenceau devenait le chef, les socialistes s’ajouteraient bientôt. D’âpres luttes commençaient et les chutes de ministères se succédèrent avec rapidité. On vit alors que l’anticléricalisme était le vrai ciment des gauches. Il se manifesta dès 1880 par les décrets rendus contre les congrégations, et les Jésuites furent expulsés les premiers. Il y aura là une longue occupation pour le régime et, parfois, un moyen de diversion, comme sous Louis XV, quand les ministres étaient en conflit avec les vieux Parlements. Mais, comme au dix-huitième siècle aussi, l’anticléricalisme d’État tournera bientôt à la guerre contre le catholicisme et l’idée religieuse.

Dès ces premiers pas de la République parlementaire, au milieu d’une grande confusion, deux traits commencent à se dégager. Jules Ferry arrive pour la première fois au pouvoir. Il entreprend l’expédition de Tunisie avec l’autorisation que Bismarck nous avait donnée en 1878 au congrès de Berlin, dans l’idée qu’il serait bon pour l’Allemagne que l’activité de la France se dépensât loin de l’Europe. Une grave controverse entre les Français allait naître de l’affaire de Tunisie et se renouveler pour l’Égypte et le Tonkin. Les expéditions coloniales ne risquent-elles pas de disperser nos forces, de distraire l’attention publique de notre sécurité sur le continent et des provinces perdues ? Là était le germe de querelles prochaines. Autre indication : aux élections de 1881, les républicains ont remporté une nouvelle victoire. Mais l’extrême gauche avance. Gambetta, naguère l’idole de Paris, a été difficilement élu à Belleville : l’opportunisme nuit à sa popularité. C’est à lui quand même qu’il faut, cette fois, confier le pouvoir. Le président Grévy s’y résigne, bien que sa sourde hostilité ne désarme pas, tandis que celle des vieux radicaux, ennemis de l’opportunisme, éclate. Contre Gambetta, les grandes accusations sont lancées : il est l’homme de la guerre, il aspire à la dictature. Au bout de trois mois, son ministère, qui devait être un « grand ministère », était renversé. Sa conception d’une République nationale et « athénienne », où se fussent réconciliés les partis, l’était aussi. L’année d’après, Gambetta mourut.

On doit renoncer à discerner quoi que ce soit au milieu des luttes qui suivirent si l’on ne s’en tient aux deux principes qui les dominent et qui peuvent se résumer de la manière suivante.